(Parent)hèse

Ça y est nous sommes le 11 mai et c’est la fin d’une période inédite que nous, privilégiés qui n’avions connu ni guerre ni épidémie venons de vivre. Le 11 mai devrait être le début d’une nouvelle liberté plus consciencieuse, plus éduquée mais aussi sûrement moins frivole et abandonnée.

55 jours à vivre dedans pour Mlle P. avec les gens qu’elle aime et c’est déjà une chance folle.

J’avoue qu’avant le 17 mars je n’avais absolument pas pris la mesure de la pandémie. C’était loin la Chine, une grippette disaient certains, personne de touché dans le cercle rapproché bref je vis ma vie comme si de rien n’était. Insouciante.
L’annonce de la fermeture des restaurants et bars est une claque, non pas parce que je ne pourrai plus boire mon moscow mule en terrasse mais parce que je comprends qu’une simple grippette n’a jamais mis à mal notre économie et que c’est à l’évidence bien plus sérieux que ce que je pensais.

Le début de l’angoisse : 
- de la maladie bien sur car même si nous ne sommes pas une population à risque tout peut arriver et un bébé de deux mois qui ne me semble pas aguerrit contre ce nouveau virus.
- de la solitude et de l’isolement surtout car même à 3 le couperet du confinement est avant tout social.

15 jours d’abord mais tout de suite conscients qu’on navigue a vue. Ce qui se passe chez nos voisins européens est affolant et le nombre de mort aux info qui devient notre baromètre quotidien. Triste baromètre.

Et puis le quotidien qui reprend le dessus. Une nouvelle routine, beaucoup d’imagination pour faire passer le temps et tromper le mal. Un pique-nique sur parquet, une nuit à l’hôtel maison, voyager grastronomiquement en pensées... Des hauts et des bas. Des regrets, que ma Mima ne voit pas sa petite fille grandir. Des coup de stress et le besoin de sortir là tout de suite. Se sentir inutile, au chômage sans perspectives alors que d'autres ...

Les premières sorties sont lunaires. Un Paris étrangement silencieux et vidé. De ses touristes mais aussi et surtout de sa gaité et de son rythme endiablé. Pigalle et ses sex-shop fermés. Montmartre et sa place du Tertre désertée de ses portraitistes. Nous n’irons pas plus loin, notre microcosme se limite à ce kilomètre libérateur.

Un confinement respecté, pour nous d’abord bien entendu et pour les autres ceux qui continuent a nous faire vivre au sens propre comme au figuré. Infirmiers , médecins, pompiers, caissiers, policiers, éboueurs ... et j’en oublie. Et puis bien sûr aussi pour les plus fragiles dont le nombre de décès ne cesse d’augmenter chaque jour.
Rythmés chaque soir à 20h pour un hommage aux combattants et à ceux tombés car nous sommes en guerre parait-il.

Et puis peu à peu prendre conscience que cette contrainte est en faite une chance qui nous est offerte. Il s’agit peut être de résilience intuitive mais j’aime à croire que c’est une prise de conscience plutôt. Celle de la valeur du temps, du temps perdu, du temps passé et des temps à venir. Savourer chaque minute, prendre son temps, avoir la chance de voir grandir notre petite M. juste sous nos yeux ébahis.  La voir sourire, s'épanouir, ravie d'avoir ses deux parents là pour elle toute seule. La moitié de sa vie est en confinement ce n'est qu'une réalité qui diffère de la notre pour elle. Ranger les pyjamas taille 1 mois puis passer au 3 puis au 6 mois, ça ne l'empêche pas de pousser notre petite fleur. Vivre doucement cette parentalité nouvelle. Doucement et surtout ensemble chance qui n’est d’habitude pas accordée dans la vie normale, celle rythmée par la reprise du boulot, les réunions, les obligations.
Car notre seule obligation justement est celle de rester collés nous trois contre le reste du monde. Une (parent)hèse enchantée en quelque sorte.

Alors ça y est, ce que nous espérions le plus le 17 mars est arrivé mais j’ai un brin (une branche voir l’arbre entier à vrai dire) de nostalgie. La conscience que ce moment hors du temps ne pouvait pas durer mais le spleen de ce temps précieux. J’espère que je tirerai de cette expérience la leçon qu’il faudra elle est encore à définir. Beaucoup d’angoisses aussi, celle de retrouver un boulot dans cette période incertaine est la première de toute. Celle de savoir quel avenir nous offrons à notre bébé est exacerbée. Et ce quotidien qui sera de toute façon modifié et jusqu’à quand ?
Je referme donc cette boîte du confinement. J’y ai mis des souvenirs, des talismans, des angoisses, des trésors de partage, des folies contrôlées, du temps passé. Je la dépose sur la cheminée (que je n’ai pas) afin de la garder bien en vue.
Haut les cœurs et advienne que pourra ...

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